Refuser de rendre un avis quand le CSE est consulté sur un projet complexe, comportant des décisions échelonnées, est possible si vous estimez, dès la première réunion, ne pas disposer de suffisamment d’informations sur le projet. 

Illustration avec cette affaire qui a opposé la direction de la société Auto distribution, distributeur de pièces détachées automobiles et poids lourds, à son comité d’entreprise (soit le CSE aujourd’hui). La société Auto distribution souhaite réorganiser son réseau de distribution. La direction consulte début 2011 chacun de ses comités d’établissement. En réunion de CSE, elle précise que le projet comportera plusieurs étapes. Elle commence par consulter le CE sur la question de la création de zones et la nomination de directeurs de zones et de centres de services partagés, en précisant que la future organisation de ces zones et services lui sera présentée ultérieurement. 

Avant de rendre son avis, le CE demande des explications complémentaires, notamment sur les impacts du projet en matière de mutations géographiques. La direction n’y répond pas. Les élus refusent alors d’émettre un avis et saisissent la justice pour que soit ordonnée la suspension du projet. On assiste là à un bras de fer :

  • entre la direction qui se défend en mettant en avant le fait qu’il s’agit d’un projet complexe nécessitant une information des institutions représentatives du personnel “au fur et à mesure de son avancement”. C’est pourquoi elle n’en n’a pas trop dit au CE lors de cette consultation, jugeant que ce n’était pas le moment ;
  • et le CE qui refuse d’émettre un avis, estimant qu’il n’en sait pas assez pour se prononcer et qui demande la suspension de la mise en œuvre du projet de réorganisation jusqu’à ce que l’employeur communique au CE les documents réclamés.

Dans cette affaire, les juges ont donné raison au CE en ces termes : “Appréciant souverainement l’utilité et la loyauté des informations fournies au comité d’établissement au regard de la nature et des implications du projet en cause, la cour d’appel a retenu que l’employeur avait mis fin à la procédure de consultation sans avoir fourni toutes les explications nécessaires permettant au comité de donner un avis éclairé”.

Conséquence : la mise en œuvre du projet est suspendue tant que la direction ne fournit pas plus d’informations au CE. Les élus du CE étaient ici dans leur rôle. Ils ont eu raison de refuser de rendre un avis s’ils estimaient ne pas avoir suffisamment d’éléments pour se prononcer. Il est vrai que si le Code du travail exige que le CE soit consulté, c’est afin que ce dernier puisse apprécier, compte tenu des éléments fournis par l’employeur, quelles seront les implications du nouveau projet en termes d’emploi, de condition de travail et / ou de formation professionnelle du personnel. Si l’employeur ne délivre pas ces informations, le CE ne peut pas rendre un avis éclairé. Il n’est pas certain que le CE puisse, à l’avenir, agir de la même manière. La loi dite de sécurisation pour l’emploi, pas encore applicable sur ce point, les décrets d’application n’étant pas encore parus, encadre dorénavant les consultations du CE dans des délais fixes et prévoit qu’à l’expiration de ces délais, le CE est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif… Vous avez dit loi de sécurisation de l’emploi ? Le titre de cette loi est-il vraiment bien choisi ? Cassation sociale, 10 juillet 2013, n° 12-14.629.

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