C’est un fait, la pandémie de la Covid booste le télétravail. En effet, pour faire face à l’épidémie, nombre de décisions drastiques ont dû être prises, dont la mise en place la plus large et la plus complète possible du télétravail au sein des entreprises.
Un vaste panel de secteurs, mais aussi de professions, est ainsi touché par ce changement radical de méthode de travail, et surtout d’environnement. Un changement qui embarque, avec lui, tout un lot de problématiques et de questionnements. Parmi les grandes questions, il est possible de se demander si le droit du travail tel qu’il existe est capable de parer l’ensemble des problématiques engendrées par le télétravail ou encore si les relations sociales perdurent correctement ou si les activités des salariés et leur temps de travail peut être contrôlé.
Télétravail : de nouveaux questionnements
Le travail, et plus particulièrement la manière de travailler, est en constante évolution. L’accélération récente du télétravail, notamment en raison de la pandémie de la Covid-19, pousse à un certain nombre de questionnements. Selon Dominique Laurent, DRH de Schneider Electric, “Cette évolution ébranlera certains fondements du droit du travail élaborés pour partie sur une conception très collective des relations du travail. Se mettra-t-on un jour en grève de chez soi ? Quid du lien de subordination ? Prenez le cas d’un salarié en insuffisance professionnelle. Ne pourra-t-il pas contester le manque de soutien managérial s’il n’atteint pas ses objectifs ? Et que faire face à un collaborateur souffrant de lombalgies alors qu’il ne dispose pas d’un siège adéquat ?”
Autant de questions qui, à terme, pourraient requérir non plus des textes sur le droit du travail, mais un code portant plus spécifiquement sur le droit du télétravail afin de pallier de potentiels nouveaux contentieux. A ce titre, Jean-Emmanuel Ray, juriste et professeur de droit du travail à l’École de droit de Paris I, déclarait dernièrement que “Sous l’effet de la dématérialisation des activités, des évolutions des aspirations des jeunes générations, du développement fulgurant du télétravail, le droit du travail ne correspond plus aux réalités contemporaines”.
Enfin, d’après les propos tenus par Michel Morand, avocat associé du cabinet HDV Avocats, des ajustements seront à effectuer. Selon lui, “Il y aura de nouveaux contentieux. Le recours massif au télétravail devrait alimenter les débats devant les juridictions du travail par les diverses problématiques qu’il est susceptible de faire naître, en lien par exemple avec le respect des règles relatives à la durée du travail et aux temps de repos, au droit à la déconnexion ou encore à la mesure de la charge de travail et aux conditions de travail”.
Télétravail : les principaux points de questionnement
Ainsi, parmi les nombreuses interrogations qui se font jour au travers de l’accélération assez soudaine, et contrainte, du télétravail, voici quelques points qui ont pu être mis en exergue.
La visite du domicile
En tout premier lieu, il est possible de s’interroger sur la mission de la CSSCT (commission santé, sécurité et conditions de travail) qui, en temps normal, doit pouvoir réaliser des visites sur le lieu de travail d’un salarié. Que devient cette notion lorsque le domicile de ce salarié devient son lieu d’exercice ?
En effet, sans l’accord du salarié lui-même, cette visite devient impossible à effectuer. Dès lors, sans cet accord, personne (que ce soit un membre de la CSSCT ou le dirigeant de l’entreprise) n’a la possibilité de s’assurer que le poste de travail utilisé par le salarié est conforme, notamment sur le plan électrique.
Pour pallier cette difficulté, une clause pourrait ainsi être ajoutée dans l’avenant du contrat de travail du salarié. Cette clause permettrait alors au salarié d’établir un document afin d’attester lui-même de la conformité de l’installation électrique de son logement, et donc de son lieu de travail.
Le contrôle du salarié
Autre point important, celui en lien avec le contrôle du salarié, ou plus précisément de son activité. Lorsqu’il est au sein même de l’entreprise, le salarié peut voir ses faits et gestes suivis par des logiciels d’analyse des différents mouvements effectués sur un ordinateur par exemple.
Cette même action peut être menée à distance via des progiciels de type “espion” qui permettent alors de connaître :
- le temps passé sur le système
- l’heure d’entrée dans le système
- le nombre d’enregistrements effectués…
Mais, pour cela, il faut obtenir du salarié qu’il accepte la mise en place d’un tel progiciel dans son ordinateur. Dans les cas les plus poussés, il pourra éventuellement accepter l’installation de caméra de surveillance au sein de son espace privé lui tenant office de bureau.
Dans tous les cas, le dirigeant devra, au préalable, informer le salarié des différents systèmes de surveillance qu’il envisage de mettre en place.
Selon les solutions envisagées, il faudra parfois également en passer par une consultation des membres des instances représentatives du personnel.
Par ailleurs, une déclaration auprès de la CNIL peut aussi être nécessaire.
Le contrôle du temps de travail
Le contrôle du temps de travail du salarié est un autre point de vigilance qui n’est pas simple à gérer dans le cadre du télétravail.
En effet, si, au sein des locaux professionnels, il est relativement simple de cadrer cette donnée, lorsque le salarié est en télétravail, le sujet devient extrêmement plus complexe.
L’employeur n’est effectivement plus en capacité de contrôler les horaires de travail ou les temps de pause de ses personnels alors que, en cas de contentieux, il devra tout de même pouvoir justifier des horaires effectués par le salarié en cause.
L’accord national interprofessionnel (ANI) négocié et signé par les partenaires sociaux sur un plan national pour l’ensemble des secteurs d’activités de l’hexagone ne propose pas d’aménagements concernant les modalités de contrôle du temps de travail.
Dès lors, une charte ou un accord collectif devront intégrer des plages horaires où le salarié sera joignable. Cela pourra notamment être réalisable via un système de progiciel permettant de calculer le temps de connexion du salarié ou d’un logiciel de gestion des horaires intégré sur son ordinateur.
Bien d’autres questions vont encore se faire jour et des réponses devront être apportées. Une réflexion à la fois légale et professionnelle est clairement nécessaire.
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